Voici quelques considérations sur l'année qui commence, inspirées par la sagesse des nombres et la conscience de leur expression.
Quelque soit l'origine du calendrier grégorien et ce qu'on en pense, son décompte des années est désormais une référence dans tous les pays, même ceux qui le font cohabiter avec un autre système calendaire. C'est d'ailleurs une des rares références communes à l'Humanité.
Nous avons tous une expérience profonde, quotidienne, évidente, des nombres. Où qu'ils soient, ils interagissent avec notre conscience et lui parlent, dans leur propre langage.
Il y a donc du sens à s'intéresser aux nombres qui expriment l'année 2021, et à écouter ce qu'ils nous disent. Rien de prédictif cependant : sentez-vous simplement inspiré·e·s à ressentir, en vous, comment ces quelques pensées s'installent, et celles qui, parmi elles, méritent votre attention.
Retour sur 2020 : 2+0+2+0 = 4
Le 4 est le nombre de la vérité, de la réalité. Réalité qui, l’an dernier, s’est imposée d’elle-même dans la réalité du quotidien : réalité de la fragilité de notre civilisation, réalité des inégalités qui gangrènent nos sociétés.
Réalité du vide psychique et de la perte de sens dont beaucoup d’entre nous souffrent terriblement.
Réalité aussi des ravages de thèses complotistes plus absurdes les unes que les autres, et des angoisses qu’elles expriment.
Réalité implacable des faits, lorsque l’on apprend qu’un maître spirituel a sans doute été un terrible prédateur de jeunes femmes, envers et contre tout ce qu’il a prêché.
Le 4 est le nombre de la crise, celle qui naît lorsque la réalité se fait inévitable : crise sanitaire, crise sociale, crise économique, crise environnementale, crise des valeurs, crises de couple, etc.
Il est étonnant de constater que l’année 2020 n’a laissé personne indifférent : certain·e·s s’en sont sortis en meilleure forme, plus ouverts, plus sereins, avec de nouvelles perspectives… D’autres sont désormais bien plus fragiles psychiquement, désorientés, inquiets. Le 4 est le nombre du tri, comme un tri postal : il représente la faculté de renvoyer chacun·e à sa propre comptabilité, à son propre karma, à sa propre destinée, à ses propres défis. Un retour impartial à la réalité, la présentation d’un bilan neutre, qui n’est pas tenu par les promesses, les fantasmes et les faux espoirs construits dans le passé.
Le 4 est aussi le nombre des opportunités, comme autant de chemins possibles à un carrefour : certain·e·s d’entre nous auront eu la chance (L’ont-ils saisie ? S’en sont-ils emparés ?) de comprendre des choses importantes sur eux-mêmes et sur le monde, et d’envisager de faire des choix décisifs. D’autres auront plutôt été submergés par l’angoisse, saisis par la peur, paralysés par le doute et la confusion. Non pas celles du moment, mais celles qu’ils accumulent depuis longtemps.
Le 4 est le nombre de la prise de conscience des réalités, aussi douloureuse soit-elle. Mais c’est une profonde bénédiction, car on ne peut bâtir que sur le sol stable des la réalité. « Première vague, deuxième vague » : autant de vagues qui ont emporté certains de nos châteaux de sable… et c’est tant mieux.
Fort·e·s de ces constats sur nous-mêmes, 2021 nous met au défi de nous centrer sur notre expérience et, à partir de là, de passer à l’action pour transformer ce qui doit l’être.
2021 = 2+0+2+1 = 5
Le 5 est le nombre du centre, du milieu, du médiateur, du connecteur. C’est le nombre de l’expérience : celle de notre système neurochimique, qui fait communiquer entre elles toutes nos dimensions. C’est le nombre du cerveau, au centre de toute expérience vécue.
C’est pourquoi le 5 est le nombre de l’Enseignant·e, car l’enseignant·e n’est pas qu’un passeur, mais une expérience. Et aussi parce qu’il n’y a pas de meilleure enseignante que l’expérience.
En 2020, le monde du Kundalini Yoga a dû faire face à une profonde remise en question : celle de la figure de l’Enseignant·e Spirituel, dont Yogi Bhajan faisait jusqu’alors figure d’archétype. Convainquant car convaincu, qui a toujours raison, affirmatif, sûr de lui. Dominateur sur les esprits (et souvent sur les corps). Quelqu’un dont on se fie aveuglément à la parole, quelqu’un dont la parole devient un dogme. Dogme que l’on accepte aveuglément, au risque de négliger ses propres ressentis, ses propres intuitions, sa propre expérience.
2021 semble pouvoir nous offrir une belle opportunité : celle de (re)mettre notre propre expérience au centre, et d’apprendre d’elle.
2020 a exacerbé nos ressentis (parfois jusqu’à la saturation… qui nous coupe de nos ressentis). En 2021, servons-nous de notre sensitivité accrue pour ressentir plus encore, et percevoir le Soi dynamique, le Primordial Existant, au cœur même de la sphère de nos ressentis : là est notre véritable enseignent·e, riche de toutes les leçons, généreu.se de tous les savoirs. Mettons au cœur de notre vie, de nos choix et de notre compréhension du monde, ce sens du Soi : le Soi Vrai, réellement perçu et non fantasmé. Continuons de ressentir le Soi, et prenons-le comme critère de décision : « si cela ne sert par le Soi véritable, alors ce n’est pas pour moi ».
Cette vérité du Soi, les écritures sikhes la comparent volontiers à la kasvaṭī, la « pierre de touche » des orfèvres : une pierre dure et légèrement abrasive sur laquelle on frotte un bijou censé être en or. Selon la trace laissée sur la pierre de touche, l’expert sait s’il s’agit d’or ou de contrefaçon :
ਮਨੁ ਸਚ ਕਸਵਟੀ ਲਾਈਐ ਤੁਲੀਐ ਪੂਰੈ ਤੋਲਿ ॥
man sach kasvaṭī lāīē tulīē pūrē tol.
Teste le mental à la pierre de touche de la Vérité et, en le pesant, détermine son juste poids.
~ Gurū Nānak dev ji
ਕਸਿ ਕਸਵਟੀ ਲਾਈਐ ਪਰਖੇ ਹਿਤੁ ਚਿਤੁ ਲਾਇ ॥
kas kasvaṭī lāīē parkhe hit chit lāe.
Utilise la pierre de touche pour tester l’amour et la conscience :
ਖੋਟੇ ਠਉਰ ਨ ਪਾਇਨੀ ਖਰੇ ਖਜਾਨੈ ਪਾਇ ॥
khoṭe ṭhaur na pāinī khare khajānē pāe.
Là, la contrefaçon n’a pas sa place, tandis que l’authentique rejoint le trésor.
~ Gurū Nānak dev ji
En 2021, essayons de faire du sens du Vrai Soi la pierre de touche de tous nos choix. Cela suppose d’œuvrer pour aiguiser sa sensitivité. De l’orienter vers soi plutôt que l’émousser au bruit du monde. En 2021, méditons pour nous ressentir et nous définir au centre de nous-mêmes, et non pour nous échapper vers un soi fantasmé, pour nous fuir nous-mêmes. Prenons le temps, à la fin de chaque session de méditation, de ressentir notre propre état, de trouver en soi cette dynamique de la présence à soi : subtile, fugace, souvent étouffée par le bruit du mental, mais bien réelle et déterminante. Ressourçons-nous à son contact : mais n’attendons pas que ce contact arrive par hasard ; cherchons-le.
Bien entendu, l’expérience du Vrai Soi est rarement permanente, et ne dépend pas que de nous. Mais lorsque le contact au Soi est rompu ou « emboucané » par le bruit du monde, il nous reste le souvenir qu’il a eu lieu, le savoir qu’il est possible, et la promesse qu’il aura lieu à nouveau. Alors ne désespérez pas de n’être pas toujours au contact de la pierre de touche. Cultivez-en plutôt la possibilité. Nourrissez la relation sur le long terme, et réjouissez-vous des précieux cadeaux qu’elle vous offre régulièrement en retour.
Le nombre 5 est celui de la parole
Et puis le nombre 5 est celui de la parole. En 2021, prenons conscience des paroles auxquelles nous sommes abonné·e·s, un peu comme on est abonné·e à certaines personnes sur les réseaux sociaux. Et prenons conscience de l’impact réel de ces paroles.
Car certaines paroles nous aident à nous souvenir de l’expérience de notre Vrai Soi… sans se substituer à lui. Humblement, elles nous réinspirent et nous réorientent vers notre sanctuaire intérieur, tout en sachant s’effacer chaque fois que leur travail est accompli.
Mais d’autres paroles profitent subtilement du vide, du silence ou du désarroi qui sont les nôtres lorsque nous sommes moins en contact avec notre autel de vérité. Elles nous fournissent elles-mêmes le sentiment de justesse et de plénitude que nous donne l’expérience du Vrai Soi, et prennent ainsi sa place. Ces paroles, souvent inspirantes (car après tout, pour rivaliser avec celle de notre Vrai Soi, c’est qu’elles ont certaines qualités) et abondantes, ne nous libèrent pas d’elles-mêmes en nous ramenant au Vrai Soi. Au contraire (et c’est parfois intentionnel) elles nous rendent dépendants, accros, demandeurs de toujours plus. Leur abondance, apparente générosité, sature notre faim sans l’assouvir. Ces paroles nous tournent vers elles-mêmes, et non vers nous-mêmes, émoussant peu à peu nos facultés perceptives et l’acuité de notre sensitivité. Ce qui nous prive de notre capacité à nous nourrir pleinement au contact, rare mais précieux, du Vrai Soi.
La juste parole, elle, répond rarement à nos questions, et ne nourrit pas notre soif de contenu, pas plus qu’elle ne nous cherche comme le pêcheur cherche des poissons. Mais elle est toujours disponible ; pas toujours directe et explicite, mais volontiers un peu vague et dansante, poétique ; elle nous inspire, nous élève, nous encourage ; et dans sa danse elle nous guide bel et bien, sans s’en donner l’air, vers le sanctuaire du Vrai Soi.
Passivité, impuissance et action
(20)20 : 2+0 = 2. Passivité et impuissance sont deux expressions du nombre 2 qu’il nous faut apprendre à distinguer, et l’année 2020 a mis en lumière cette nécessaire distinction.
Certains besoins, certaines envies, certains projets ne reçoivent pas de nous la réponse qu’ils méritent : c’est là qu’est notre passivité. Occupés à autre chose, confus dans notre sens des priorités, divertis, apeurés, ou pour mille autres raisons… nous ne passons pas à l’action. Or si on le faisait, on mesurerait assez rapidement les résultats de nos efforts. Rien d’inaccessible, donc.
L’impuissance, elle, est d’une autre nature : c’est la reconnaissance que certaines choses nous affectent, qu’on ne peut affecter en retour. C’est admettre l’humilité de notre position face à l’ampleur de certains phénomènes, certaines forces qui nous dépassent bel et bien, quand bien même elles seraient d’origine humaine. Passivité et impuissance nous mènent nécessairement à une notion d’échelle dans l’action : je peux agir avec succès sur moi-même, je peux avoir une certaine influence sur mon périmètre immédiat (mes proches, ma commune, mon environnement social ou professionnel…), mais plus je me situe à des échelles importantes, moins ma contribution n’a d’impact. Partant de là, l’impuissance nous fait faire ce constat : face à certains phénomènes, même une somme importante de petites contributions individuelles n’aura aucun impact. Il est certains incendies que tous les colibris du monde ne suffiraient à éteindre...
(20)21 : 2+1 = 3. Face à ce qui nous laisse impuissant·e·s, cessons de nous réfugier dans l’espoir : prions, car c’est là notre seule option, dont les saintes et les sages disent qu’elle n’est pas vaine. Mais pour avoir un impact réel, mesurable et encourageant, réduisons l’échelle de nos efforts pour mieux en concentrer l’intensité. Non, tout n’est pas à notre portée (c’est là qu’est notre impuissance), mais certains changements le sont. Alors la 21e année de ce nouveau millénaire nous invite à passer à l’action, de prendre l’initiative. Pour cesser d’espérer en un avenir meilleur pour soi et pour tous, mais pour le faire advenir localement. Mettre sa prière en action. Être entreprenant·e, et entrepreneur·e. Collaborer aux initiatives les uns des autres. 2020 a pu nous paralyser : bloquer nos initiatives, doucher notre enthousiasme, ralentir notre motivation. En 2021, connecté·e·s au Soi, mettons en œuvre la Vérité telle qu’elle se présente à notre cœur éveillé.
Quelques pistes et outils pour 2021
Pratiquer Mundavani Kriya, une très belle « méditation pour éliminer les obstacles », pour être plus réceptif à sa propre destinée, et agir à partir de la réalité que le cœur perçoit.
À la fin de chaque sādhanā ou de chaque session de méditation, prendre un peu de temps pour ressentir, établir un sens de sa propre présence. Simple, dégagé de toute projection, juste connecté·e à soi, parfaitement zen.
Écrire, car « si tu veux comprendre quelque chose, écris-la. » Écrire pour comprendre ce que l’on vit, pour mieux se saisir de sa propre expérience et de ce qu’elle nous enseigne. Écrire pour s’emparer pleinement des leçons de l’existence et les mettre en œuvre. Écrire pour lire et relire ce que le Vrai Soi a à nous dire, et s’abonner à sa parole. Alors en 2021, il peut être très bénéfique de tenir un journal de méditation, voire un « cahier noir » (un formidable outils à propos duquel je donnerai quelques conseils prochainement).
Envisager sérieusement de réduire sa dépendance financière à l’enseignement du Yoga. En effet, le choix qui consiste à vivre de l’enseignement du Kundalini Yoga n’est souvent pas heureux. Il laisse trop d’enseignent·e·s dans la précarité, l’incertitude, la fuite en avant qui pousse à avoir besoin d’élèves, les stratégies agitées qui s’en suivent, etc. Et en se cantonnant à l’enseignement pour imiter celles et ceux à qui cela semble réussir, beaucoup d’entre nous se privent de la force de transformation sociétale qu’ils pourraient avoir autrement. Il y a tant de domaines dans lesquels vous pourriez être créatifs, vous épanouir, déployer vos compétences, réussir économiquement et changer le monde autour de vous. Tant d’autres directions dans lesquelles investir vos efforts, votre prāna et votre élan de vie… tout en continuant de pratiquer, d’étudier et d’enseigner le Kundalini Yoga avec encore plus de plaisir et de légitimité à enseigner aux autres l’art de déployer sa lumière.
Ouverture vers 2022
2021 = 2+0+2+1 = 5. La question du 5 est « qui » : qui suis-je, qui parle/écoute, qui choisit ce que je choisis. Qui répond à telle ou telle situation : le Vrai Soi, ou mes névroses ? Encore une fois, c’est tout un art de demeurer en relation avec ce « qui » en soi-même. Le Vrai Soi n’est pas une chose dont on s’empare comme d’une chose (« c’est bon, je sais qui je suis » ou « je suis comme ça »). Comme une toupie, il n’est en équilibre que dans le mouvement, l’échange, l’interaction. Statique, objectivé, il perd toute vie. Ou comme le rossignol : libre, il chante volontiers à notre fenêtre, d’autant plus s’il s’y sent invité, mais sans rien de garanti. Mais mis en cage pour qu’il chante sur commande, toute magie disparaît : le rossignol se tait et n’est plus qu’un oiseau ordinaire.
2022 = 2+0+2+2 = 6, soit le nombre de la communauté, de la sangat, du « nous-en-moi » (Shiv Charan Singh). La sangat, c’est cet espace heureux où l’on vit pour les autres, et non pas seulement en harmonie avec eux. Un espace où l’on œuvre ensemble, où l’on investit les uns dans les autres. Un espace où l’on met au pot commun le meilleur de soi-même, le cœur même de ce que l’on est, et où notre lumière est bien plus investie que nos névroses.
Or pour s’investir dans une sangat, encore faut-il savoir quoi y mettre : sans relation au Vrai Soi, « qui » s’investit ? Encore confus·e entre la voix de notre cœur authentique et celles de nos personnalités karmiques, comment savoir qui s’invite au chœur de la sangat ? C’est pourquoi l’opportunité de 2021, une meilleure identité de Soi, est aussi une porte vers l’avenir : la sangat, espace humain de bien-être, d’élévation, de purification et de mise en œuvre du Vrai. Une authentique conscience collective en action.
Bonne et heureuse année et mille bénédictions à tou·te·s !
Sat Nam Merci Ram Singh
RépondreSupprimerWahe Guru !
RépondreSupprimerMerci,
Sat Pavan Singh
Merci pour ces mots.
RépondreSupprimerKamal joti