jeudi 1 octobre 2015

Méditation, Silence et Son Sacré


On m'a récemment posé une question intéressante. De retour d’une retraite de méditation silencieuse, un élève était perplexe : on lui avait appris que toute pratique méditative était censée être silencieuse et immobile. « Mais dans le Kundalini Yoga, disait-il, nous méditons souvent en musique, et en mouvement. Et puis ça marche ! Alors comment peut-on méditer ainsi ? »

En effet, la méditation est question de silence et d’immobilité. Parlez de méditation autour de vous, et vous constaterez que c’est ce à quoi la plupart des gens feront allusion. Et c’est vrai, la méditation dans le Kundalini Yoga peut sembler assez différente, à maints égards, de ce que l’on perçoit d’autres pratiques méditatives. Alors en tant que Kundalini Yogis, comment approchons-nous le silence en méditation ? Avec tant de musique, où trouvons-nous le silence ?


Il faut avant tout comprendre ce que la méditation fait au mental et à ses trois aspects. D’abord, la méditation nettoie le subconscient (que l’on peut identifier à ce que l’on nomme « mental négatif » dans le Kundalini Yoga) : elle évacue la pollution mentale, tous ces restes de notre activité sensorielle et psychique qui se transforme en négativité. Ensuite la méditation éduque le mental positif : elle reprogramme l’ordinateur mental et change nos routines psychiques (identifications, schémas réactionnels, réponses émotionnelles, etc.). Enfin, la méditation éveille le mental neutre : elle installe un état de silence et de calme mental où plus rien ne s’oppose à ce que nous nous identifiions à la vérité. En d’autres termes, dans son fonctionnement ordinaire, notre mental projette la pollution mentale qui encombre notre subconscient ; il l’exprime, la confirme, la décharge dans notre vie, colorant ainsi nos actions et nos comportements. Et nous nous identifions à ce mouvement entre les polarités mentales positives et négatives : une conversation intérieure toxique, un bruit mental rarement interrompu. Mais lorsque nous trouvons le « centre serein » du mental neutre, alors nous avons une chance de faire l’expérience du calme et de l’immobilité mentale : car le vrai silence est celui du mental.

Et il n’y a pas de garantie qu’en restant silencieux, nous établirons ce précieux silence intérieur. C’est clairement ce que l’on récite avec le premier pauri du Japji Sahib de Gurū Nānak :

cupY cup n hoveI jy lwie rhw ilv qwr ] 
chupē, chup na hovaī, je lāe rahā liv tār.
En gardant le silence, le silence ne se fait pas, même si l’on s’y applique avec amour.
Gurū Nānak, Japjī Sāhib (1er paurī)

Regardez en vous, et autour de vous (dans les transports publics, par exemple) : quand nous sommes silencieux, c’est souvent parce que notre mental est pris dans une incessante discussion intérieure !

Or imaginons à l’inverse que certains sons, certaines syllabes spécifiques, ainsi que leurs combinaisons et permutations, mènent le mental au silence. Car raisonnements, arguments, opinions : le mental les a créés, il sait comment les manipuler ou leur résister ; ils n’ont donc, finalement, aucun pouvoir sur les structures profondes du mental. Mais comme toute chose, le mental est créé par le la Parole divine, le Son Sacré : ce Son est tout-puissant face au mental. Le mental ne peut refuser au Son de pénétrer en lui et d’y planter la graine de la Vraie Identité (Sat Nām). Et c’est ce Son qui mène le mental au silence : lorsque l’Âme irradie la lumière et vibre le Son créateur, alors le mental cesse d’y ajouter sa couleur et sa propre parole.

C’est pourquoi de si nombreuses traditions spirituelles, notamment originaires d’Inde, ont développé le Son Sacré en tant que pratique spirituelle pour calmer le mental et élever la conscience. Le kirtan (ou « chant sacré ») ainsi que la musique classique indienne ont été conçus dans cette perspective. Ce n’est pas une musique qui rompt le silence, mais une musique qui permet au musicien et à l’auditeur de faire l’expérience du calme mental. Ainsi, lorsque vous chantez ou jouez de cette musique sacrée, faites en sorte que le son émerge du silence ; qu’il installe le silence, qu’il lui rende hommage ; et à la fin, qu’il retourne au silence. En sanskrit, les mots « écoute » et « silence » partagent la même racine : sunn (qui nous rappellent aussi le mot « son »). Ainsi, dans votre chant comme dans tous les sons, écoutez ce silence qui ne peut être rompu. Chantez ce chant qui émerge du silence et qui se fond à nouveau dans le silence.

Quand on lui a demandé de commenter la relation entre chant, méditation et silence, Yogi Bhajan a répondu : 
Il n’y a pas de plus grand silence que le kirtan.


Août 2014

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